Le syndrome d’hypercroissance dysharmonieuse décrit un groupe de syndromes génétiques rares caractérisés par des malformations et une prolifération tissulaire causées par des mutations somatiques touchant différents gènes de la voie mTOR dont le plus connu est PIK3CA.
Ces mutations apparaissent en général durant le développement embryonnaire, c’est-à-dire après la fécondation et peuvent toucher n’importe quel type de tissus.
Ce syndrome n’est donc pas hérité de l’un des parents.
Présentation clinique
La présentation clinique à la naissance est extrêmement variable en fonction du moment où la mutation est apparue (par exemple en début ou au contraire en toute fin de développement) mais également en fonction du type de tissus touchés (vaisseaux, muscle, graisse, os, cellules nerveuses…). Cela provoque une prolifération excessive (hyperplasie) ainsi qu’une augmentation de la taille de cellules (hypertrophie) responsables de malformations complexes et anarchiques déformant le corps et les membres. La maladie est présente dès la naissance, elle peut même parfois être identifiée en anténatal, et va évoluer avec l’âge. En effet, les malformations ne sont pas fixées et augmentent de volume tout au long de la vie des patients. La vitesse de croissance est extrêmement variable d’un patient à un autre.
Diagnostic clinique
Outre le diagnostic clinique compliqué, l’identification du gène muté peut s’avérer extrêmement difficile. La mise en évidence de la mutation nécessite une biopsie du tissus malade (mosaïque) et des techniques de séquençage génétique de dernière générations (apppelées Next Generation Sequencing ou NGS) car le taux de mosaïque peut être très faible (1%). Seul un petit nombre de centre peut donc réaliser le diagnostic précis. La grande variabilité de présentation clinique et les difficultés techniques pour identifier la mutation explique l’errance médicale des patients et de leurs entourages.
Il est important de garder en mémoire que dans un certain nombre de cas (#20% dans notre expérience), aucune anomalie génétique n’est identifiée parmi les gènes connus pour donner des syndromes d’hypercroissance.
Complications cliniques
Ces syndromes s’accompagnent de nombreuses complications incluant une altération fonctionnelle (par exemple, une altération de la marche ou des activités de la vie quotidienne), de la douleur, des infections superficielles récurrentes (érysipèles), des phlébites avec ou sans embolie pulmonaire, des saignements et / ou un dysfonctionnement d’organes. Ces atteintes sont responsables d’une morbidité importante et d’une mortalité prématurée. Il n’existe pas actuellement de traitement spécifique pour ces pathologies et uniquement des traitements symptomatiques sont proposés (antalgiques, anticoagulation, embolisation radiologique ou encore chirurgie). La plupart du temps une approche thérapeutique pluridisciplinaire est requise. Malheureusement ces patients sont souvent exposés à de nombreuses interventions chirurgicales mutilantes (orthopédique, viscérale, maxillo-faciale…).
Les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse sont souvent associés à des handicaps invalidants avec conséquences sociales délétères caractérisées par un taux élevé d’abandon scolaire pour les enfants et de désocialisation.
Parmi les patients avec syndrome d’hypercroissance dysharmonieuse, il existe un groupe caractérisé par la présence d’une mutations gain de fonction du gène PIK3CA. Ces patients sont regroupés sous l’appellation générique : syndrome d’hypercroissance dysharmonieuse liée à PIK3CA (PIK3CA-related overgrwoth syndrome ou PROS). Ce terme générique PROS englobe un groupe de syndromes avec divers phénotypes, comportant entre autres (mais sans s’y limiter) :
- Le syndrome de CLOVES (Congenital Lipomatous Overgrowth, Vascular malformations, and Epidermal nevi),
- MCAP (syndrome de MégalenCéphalie-Malformation Capillaire-Polymicrogyrie)
- HHML (HemiHyperplasia-Multiple Lipomatosis syndrome)
- FAO (FibroAdipose Overgrowth)
- Hémimégalgalencéphalie
- FIL (Facial Infiltrating Lipomatosis)
- KTS (Klippel-Trenaunay Syndrome)
Il est important de noter que ces mutations génétiques sont souvent retrouvées en cancérologie et qu’ainsi le repositionnement de molécules développées en oncologie peut se révéler très encourageant pour les patients atteints de certains de ces syndromes rares. Utilisées à de faibles doses, certaines de ces molécules présentent des effets thérapeutiques qui restent à confirmer.
De la recherche à la découverte du traitement
Nous avons récemment créé le premier modèle murin de syndrome PROS, identifié le BYL719 (alpelisib, un inhibiteur de PIK3CA développé en oncologie) et démontré son efficacité dans notre modèle souris PROS. Fort de ces résultats nous avions obtenu l’autorisation de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) de traiter 19 patients avec une forme sévère de la maladie. Les résultats ont été remarquables avec une amélioration de nombreux paramètres (saignements, douleurs, fatigue…) mais également des changements morphologiques avec réduction de volumes. Cette molécule est bien tolérée avec peu ou pas d’effets secondaires observés.
Après la publication scientifique, nous avons reçu un certain nombre de patients avec PROS et des graves incapacités, à qui nous avons été autorisés à remettre le BYL719 dans le cadre de notre programme d’utilisation compassionnelle.
Structure hospitalière
Nous avons réorganisé notre structure hospitalière pour pouvoir accueillir tous ces patients, leur permettre de rencontrer les spécialistes dont ils ont besoin (chirurgien, généticiens, radiologues, dermatologues…) et leurs proposer le traitement le plus adéquat. Le flux de patients est toujours très actif avec de nouvelles demandes quotidiennes.