Interview du Dr Stéphanie Baulac
23/02/2021
Directrice de recherche à l’Inserm et cheffe d’équipe à l’ICM
→ Qui êtes-vous ?
Stéphanie Baulac, directrice de recherche à l’Inserm et cheffe d’équipe à l’ICM. Je suis généticienne et m’intéresse aux mutations mosaïques dans les épilepsies avec malformation corticale.
→ Quel est votre rôle dans le RHU ?
Je suis responsable du WP2 dont l’objectif est d’élucider l’étiologie génétique de ces pathologies, et de contribuer au diagnostic génétique. A l’aide d’outils de séquençage de dernière génération, nous recherchons des mutations en mosaïques présentes uniquement dans un petit nombre de cellules.
Je suis également impliquée dans le WP3 qui vise à comprendre les mécanismes physiopathologiques de ces syndromes. Le but est de développer des modèles souris précliniques, modélisant les mutations somatiques in vivo afin de pouvoir tester de nouvelles cibles pharmacologiques.
→ Sur quoi travaillez-vous aujourd’hui ?
Nous travaillons actuellement sur une cohorte de jeunes patients avec une malformation corticale (en particulier une dysplasie focale corticale), qui ont subi une résection du foyer épileptogène pour contrôler leurs crises d’épilepsie. A l’aide d’un panel ciblé de séquençage, nous avons identifié de nombreuses mutations somatiques dans divers gènes (MTOR, RHEB, PIK3CA, AKT3, TSC1/2) de la voie de signalisation mTOR, qui contrôle la croissance et la prolifération cellulaire. Ces mutations sont « cerveaux-spécifiques », elles sont apparues au cours du développement cérébral. Ainsi, le mosaïcisme somatique prend de plus en plus d’importance dans de nombreuses maladies au delà des cancers.
→ Quelles sont vos premières découvertes ?
Nos travaux récents ont montré qu’il existe un gradient de mosaïcisme corrélé avec la taille de la lésion dysplasique dans le cerveau. Plus tôt une mutation se produit au cours du développement du cerveau, plus la fraction de cellules sera importante et la lésion sera étendue (Lee* Baldassari* et al. 2021). Par microdissection laser de cellules, nous avons démontré que seules les cellules anormalement grosses portent la mutation. Nous nous sommes également intéressés à un sous-groupe de malformations corticales, « mild malformation of cortical development with oligodendroglial hyperplasia in epilepsy (MOGHE) « et avons montré que des mutations somatiques dans le gène SCL35A2, qui code pour un transporteur du galactose sont responsables (cf. publication ci-dessous : Bonduelle et al. 2021).
→ Quels sont leurs impacts sur le projet ?
Ces travaux permettent de proposer un diagnostic génétique aux familles, une reclassification de ces malformations corticales basées sur l’étiologie génétique, mais aussi d’évoluer vers une médecine de précision et personnalisée, qui repose sur la compréhension des voies de signalisation dérégulées.
→ Et après ?
La suite du travail consiste à rechercher de nouveaux gènes par une approche dite « whole exome sequencing » chez les patients qui sont panel-négatifs, c’est à dire qui ne portent pas de mutations dans les gènes connus à ce jour.
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